« C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante »
A. de Saint Exupery -Le Petit Prince-
Hier l'artiste Rilès a livré une performance incroyable en courant sur un tapis pendant 24h non stop contre deux énormes scies tournantes. Cet exploit m'a beaucoup touchée, d'autant plus qu'il résonne absolument avec notre époque et l'humanité en général qui, depuis des siècles, cherche à réduire le temps qu'elle consacre à agir : voyager plus vite, produire plus vite, réussir plus vite...
Or on sait bien que cette course contre le temps nous pousse irrémédiablement à notre perte : on atteint les extrémités du globe en quelques heures, on écrit un article de blog sans efforts grâce à chat gpt, on produit des milliards de pailles chaque minute, mais les conséquences sont telles (pollution, C02 etc) que tout le temps gagné se fait au détriment de celui octroyé à nos enfants.
C'est comme si l'univers possédait une quantité de temps finie et que plus on cherche à aller vite plus notre espérance de vie diminue. Je parle ici en général. Ma propre existence ne sera peut être pas impactée par ma propre course contre le temps mais celle de mes descendants assurément.
Aujourd'hui posséder du temps c'est soit ultra chic ou soit ultra punk. Les deux extrêmes en même temps.
Côté chic on s'approprie le temps des autres pour enrichir nos existences, on le met à notre service et dans la fabrication de nos objets ; côté punk on le garde précieusement pour soit, sans aucune intention productiviste si ce n'est celle de suppléer à ses besoins primaires (se nourrir, se protéger, se réjouir), et alors on possède le temps qu'on ne perd pas à le gagner.
Probablement parce-que le temps est le fondement même de la vie il est devenu l'unité de valeur fondamentale de nos existences. Le temps c'est de l'argent.
Dans l'artisanat c'est le temps passé sur un objet qui en détermine la valeur.
Je me rends compte à quel point le temps que je consacre à certains gestes pour qu'ils soient réussis valorise ma production. C'est comme si j'insufflais la préciosité du temps à mon objet. Réduire le temps passé sur mes luminaires diminuerait inévitablement leur valeur.
Il semblerait que plus on cherche à économiser notre temps, plus on désire aller vite, plus on enlève de la valeur à nos vies.
Finir broyés par ses dents d''acier voilà ce à quoi nous en sommes réduits quand on désire absolument réduire notre rapport au temps. C'est une course folle et impossible.
Je conclus ce premier billet de blog avec une citation de Rilès qui à priori n'a pas vraiment de rapport avec le temps. Quoi que : entendu que la vie c'est du temps elle résonne bien quand même avec le sujet...
" La survie ce n'est pas la peur de mourir mais la soudaine envie de vivre "
Rilès à propos de sa performance Survival Run